La photographie d’accouchement est une pratique relativement récente qui a connu un essor important ces dernières décennies. L’arrivée de la photographie d’accouchement marque un tournant sans précédent dans l’histoire de l’art et de la photographie.
En effet, la domination des normes patriarcales dans le domaine de l’art et de la culture a longtemps relégué la naissance au rang de sujet tabou. Auparavant, les représentations de la naissance s’inscrivaient essentiellement dans le monde médical, privilégiant l’objectivité scientifique et la précision anatomique. L’expérience vécue de la naissance était quant à elle largement ignorée.
Aujourd’hui les récits libérateurs circulent facilement grâce à l’internet et notamment aux réseaux sociaux centrés sur l’image (Facebook, instragram), ce qui permet d’informer, d’éduquer et de sensibiliser un très grand nombre de personnes sur la réalité de l’accouchement et ses différentes dimensions.
Cette nouvelle visibilité de la naissance contribue à :
- Déconstruire les tabous et les idées reçues qui entourent l’accouchement et la maternité.
- Promouvoir les choix possibles d’une naissance respectée, non perturbée, centrée sur les besoins de la femme et du bébé.
- Célébrer la puissance et la beauté du corps féminin pendant la grossesse, l’accouchement, et après.
En partageant leurs expériences et leurs photos, les femmes contribuent à créer un espace public plus inclusif et ouvert autour de la naissance. Elles permettent ainsi de briser le silence et de donner une voix aux femmes qui ont longtemps été invisibilisées dans ce domaine.
Petite histoire de la photographie d’accouchement
Les premières photographies de ce type ont été prises dans les années 1860, à une époque où la photographie était encore une technologie nouvelle, coûteuse et difficile. Ces photographies étaient généralement prises dans des studios et mettaient en scène des femmes enceintes ou des nouveau-nés. Elles étaient souvent utilisées à des fins médicales ou éducatives.
Quand la photographie est devenue plus accessible et abordable, au début du XXe siècle, un plus grand nombre de personnes pouvaient documenter leur vie personnelle, familiale, touristique, etc. Cela a conduit à une augmentation du nombre de photographies d’accouchement, qui étaient souvent prises à la maison par des membres de la famille ou des amis.
Cependant, la photographie d’accouchement était encore relativement rare et souvent considérée comme taboue. Cela était dû en partie au fait que l’accouchement était souvent considéré comme un événement privé et intime. De plus, les techniques photographiques ne permettaient pas encore de réaliser facilement des images de bonne qualité dans des conditions difficiles (de point de vue de la technique photographique : faible luminosité, espace étroit, faible résolution des pellicules, etc.).
C’est dans les années 1970 et 1980 qu’un essor important de la photographie d’accouchement a eu lieu, en réaction aux mouvements féministes, entre autres, qui a mis l’accent sur le droit des femmes à faire leurs propres choix en matière de santé reproductive. De plus, les progrès technologiques ont permis aux photographes de capturer des images de plus en plus claires et nettes. Cela a rendu la photographie d’accouchement plus accessible et plus populaire.
Aujourd’hui
Aujourd’hui, la photographie d’accouchement est une pratique courante dans de nombreux pays du monde, notamment en Australie, en Angleterre, aux États-Unis ou encore aux Pays-Bas. De nombreuses femmes choisissent d’avoir un(e) photographe professionnel(le) présent lors de leur accouchement pour documenter cet événement important.
La photographie d’accouchement est également utilisée à des fins éducatives et de sensibilisation. De nombreuses photographies d’accouchement sont publiées dans des livres, des magazines et sur des sites web, afin de sensibiliser le public au processus physiologique de l’accouchement et de promouvoir le choix d’une naissance non perturbée, non médicalisée.
Comment expliquer un tel essor ?
C’est sans doute le développement rapide des forums en ligne et des réseaux sociaux qui a radicalement transformé la manière dont les femmes partagent leur expérience de l’accouchement. Dans les années 1990, les récits d’accouchement étaient principalement partagés via des groupes, par les mots. L’avènement de Facebook et d’autres plateformes de réseaux sociaux centrés sur l’image, a progressivement fait place à la photographie d’accouchement tel qu’on le connait aujourd’hui. Cette nouvelle visibilité contribue à démystifier la naissance et à promouvoir un accouchement plus respectueux et centré sur les besoins des femmes et des nouveaux-nés.
La force du silence
Une documentation photographique est, contrairement aux vidéos, sans mots ou sons. C’est grâce à l’absence de toute narration que les photographies sont capables de mettre en lumière l’expérience de l’accouchement physiologique avec une force et une puissance que les mots ne peuvent pas articuler.
Les débuts de l’utilisation de la photographie pour transmettre la joie et l’extase de l’accouchement physiologique se trouvent dans des ouvrages désormais classiques de la littérature sur la naissance naturelle tels que Birth Reborn : What Birth Can and Should be (Michel Odent, 1984) et Spiritual Midwifery (Ina May Gaskin, 2002).
Renforcer le pouvoir des femmes
La photographie d’accouchement permet de documenter et de visibiliser l’expérience de la naissance physiologique, et de donner aux femmes le pouvoir de s’approprier leur expérience unique de l’accouchement. Ces images permettent de remettre en question la façon dont la naissance est habituellement représentée dans notre culture (dans les films fictions, les médias et les narratifs des journaux où la femme qui accouche est en général en situation de détresse et a besoin d’être sauvée).
La photographie d’accouchement brouille les frontières entre revendication féministe et politique, car les femmes reprennent le contrôle des images de leur corps. Le corps de la femme cesse alors d’être enfermé dans l’image d’un objet fantasmé (comme dans la pornographie en générale) ou celle d’un corps défaillant qui a besoin l’aide médical.
Vu et représenté en tant qu’événement naturel et physiologique, la naissance (re)devient comme un événement social normal. La photographie d’accouchement contribue ainsi au mouvement Positive Body Image qui véhicule une image positive du corps féminin.
Sources :
- Mariamni Plested, A new form of birth art: the rise of birth photography as a women-centred expression of the experience of birth. in: Essentially MIDIRS, July 2014, Volume 5, Number 6, p. 30-33.
- Davies L ed., The art and soul of midwifery: creativity in practice, education and research. Churchill Livingstone, Edinburgh, 2007.
- Ina May Gaskin, Spiritual midwifery, Book Publishing Company, Tennessee, 2002.
- Michel Odent, Birth reborn: what childbirth should be, Souvenir Press, London, 1984.
Pour aller plus loin :
- Faut pas pousser (film), ninanarre.com
- Floriane Stauffer-Obrecht, C’est mon accouchement !: Le guide pour mettre au monde son bébé naturellement, en femme libre et informée, Leduc, 2023.
- Lucie Gomez, La Naissance en bandes dessinées – Tome I-II-III.
- Michel Odent, Le bébé est un mammifère
- Ina May Gaskin, Le guide de la naissance naturelle : Retrouver le pouvoir de son corps